samedi 21 novembre 2009

Les Cariocas ont tout pour être heureux.Et pourtant…


Par Yann Le Houelleur

Le Brésil n’est-il pas le royaume des contrastes, à commencer par son ex-capitale? Le samedi après-midi, les rues commerçantes s’entrecroisant dans le périmètre entre la Cinêlandia et la gare Central do Brasil paraissent exsangues, comme si un couvre feu avait été décrété. A quelques jets de pierre de là, il y a foule le long des plages, où règne une atmosphère de vacances et d’insouciance. Des montagnes de fesses, de jambes, de torses brûlés par un soleil tapageur s’entassant les uns sur les autres, comme autant de pains de sucre de chair. Depuis quelques années, Copacabana et le chapelet de plages s’étalant au pied des montagnes qui trempent leur pied dans la mer ont fait leur métamorphose : propres, bien organisées, comme en témoignent les petites baraques, évoquant des kiosques à journaux, où l’on peut se rafraîchir : agua de coco, suco de abacaxi ou bière ? Un juteux commerce que celui des boissons et de la bouffe, le long des plages : des entreprises telles que McDonald’s, Nestlé et même la chaîne de télévision Band parrainent un ou plusieurs kiosque.


Une source d’inspiration inextinguible

Quels citoyens pourraient-ils mériter un bonheur aussi intense ? Les Cariocas ont tout pour être heureux : du soleil à volonté, des plages magnifiques, une végétation exubérante et tant de trésors historiques alléchant les touristes. Pourtant, ici comme ailleurs au Brésil, les choses sont souvent terriblement baroques : en trompe l’œil. Voir une réalité sous l’angle de l’exotisme, valeur propre aux Occidentaux en mal de dépaysement, peut conduire aux pires désillusions. Tout comme Paris, entre autres villes privilégiées, Rio de Janeiro est une source d’inspiration inextinguible : on pourrait se plaire à échouer sur un banc de sable et y refaire sa vie en s’émerveillant jusqu’au dernier souffle de tant de beautés, qu’elles soient humaines, naturelles ou architecturales. D’ailleurs, le soleil a cet avantage : il sèche les larmes, incite à l’oubli et à la joie, jouant le rôle d’un antidépresseur et même d’un stupéfiant générateur d’extase.
Pourtant, dans cette étourdissante ville de Rio, un certain écœurement ne tarde pas à surgir, quand on déploie le sens critique nécessaire. Celui d’une ville elle aussi victime d’un développement anarchique, impulsif, mal planifié. Le soir, pour se rendre dans le nouveau « dortoir pour riches » qu’est la Barra da Tijuca, l’on peut facilement passer deux heures coincé dans sa voiture. Comme partout au Brésil, l’on construit les quartiers en périphérie avant d’y aménager les infrastructures, en termes de transport, adéquates. C’est la voiture, symbole parmi d’autres de l’accession à la richesse et à l’indépendance, qui est censée résoudre comme par un coup de baguette magique tous les problèmes! Exécrable vision de troupeaux de carcasses noires et grises paissant, la nuit, le long des grandes avenues, consommant des quantités industrielles de carburant alors que partout la planète crie au secours, exigeant l’avènement des «temps durables». A Rio, quand on travaille à la Barra et qu’on n’a pas de bagnole, on peut facilement gaspiller trois heures dans les transports en commun, autrement dit le bus, pour retourner chez soi. Car il n’y a toujours pas de métro entre cette périphérie huppée et Copacabana ; et il faudra attendre des années pour qu’une telle nouveauté se fasse jour.


Jair va s’exiler en Norvège

Mais le cauchemar de la circulation routière est peu de chose, peut-être, comparé à la menace qui pèse sur toute une ville : des tonnes de violence prêtes à exploser. Le plus incroyable est que l’on peut découvrir, aimer Rio, s’enivrer de son exotisme, sans être inquiété par la violence dont on la sait coutumière. Personnellement, chaque fois que je m’y suis rendu, je m’en suis fort bien sorti. La violence n’existe que lorsqu’elle nous frappe, par hasard, ou que lorsqu’on s’y frotte de trop près. On voudrait l’occulter, la snober, adhérer au chœur des sceptiques accusant les médias de sensationnalisme. Pourtant, elle se rappellera toujours à notre bon souvenir, à travers les témoignages spontanés des Cariocas, qui savent combien elle peut se manifester, soudain, avec un déferlement de rage.
La peau sombre, les yeux luisant, la silhouette svelte, Jair ne fait pas ses 45 ans. Danseur, il jongle avec plusieurs activités pour survivre, dans un pays où l’Etat n’aide pas grand monde. Il fournit aussi bien des prestations pour des écoles de samba que des massages à des bourgeois trop stressés. Comme toute plante dans un milieu hostile, il s’épanouit en n’importe quelle circonstance. Mais il en ras le bol, et dans quelques mois il s’exilera en Norvège, où il a vécu voici une dizaine d’années, jusqu’à fonder, là-bas, un centre culturel aux couleurs de son pays.
Jair est dégoûté par le manque de volonté politique pour résoudre les problèmes de la violence à Rio. Que des bandits soient allés jusqu’à abattre un hélicoptère de la Police militaire, cela ne l’étonne pas. La puissance de feu des mafias criminelles incrustées dans les favelas n’a pas de limites : «Les frontières du Brésil sont si vaste, si poreuses car mal contrôlées par les pouvoirs publics que les armes les plus sophistiquées parviennent sur notre territoire, de surcroît avec l’appui de secteurs de l’administration corrompus…» Bref, Rio de Janeiro est devenu un énorme arsenal et quand l’on accumule des armes, l’on aurait tort de ne pas s’en servir. Pour lui, c’est clair : si le gouvernement de l’Etat de Rio comme le gouvernement fédéral ne saisissent pas l’occasion de la Coupe du Monde et des Jeux Olympiques pour contrer les mafias criminels, les désarmer et les réduire à néant, la situation ne fera qu’empirer, devenant alors incontrôlable. Jair fréquente beaucoup de monde à Rio, connaissant même, par le biais du carnaval, des bandits. Il affirme avoir entendu des rumeurs : «Bientôt, des scènes de terreur vont se produire, quand les factions armées cachées dans les favelas feront dégringoler leurs armées et envahiront les avenues en contrebas, le long des plages, pour piller les commerces et blesser les habitants, de manière à faire une démonstration de force.»


Le jardin zoologique a dû déménager

Six-mille mort par année (j’ai lu un article à ce sujet dans l’Estado de S.Paulo, le 25 octobre) : la violence à Rio a atteint des proportions dantesques, suffisant à démontrer l’incompétence des autorités mais aussi la capacité de tolérance excessive de la population qui semble ne pas avoir compris l’enjeu d’une telle guerre urbaine. Comme si une telle situation était une punition divine ou une fatalité…
Un chauffeur, au service d’un entrepreneur carioca, m’a fait découvrir les environs de la colline des Singes (morro dos Macacos) où un hélicoptère de la police a été foudroyé, le 17 octobre. Au bas de cette colline : un parc, où abondent les herbes folles. «C’était le jardin zoologique de Rio. Il a fallu le déménager, dans un autre quartier, car les animaux ne cessaient d’y crever à cause des tirs de balles…» Les mafias contrôlant la favela des singes et celle régnant sur une favela adjacente se livrent une guerre sans merci et le voisinage en fait les frais, comme en témoignent des impacts de balles dans les façades des immeubles en contrebas, dont les habitants passent maintes nuits blanches, quand la bataille sur les hauteurs de Rio fait rage.


Petropolis, une ville bien plus calme

Les Cariocas, en général, vivent dans la hantise de la violence, et ce contexte délétère amène donc certains à refaire leur vie ailleurs. Ceux qui restent accumulent des réflexes leur permettant de composer avec le risque d’agressions et d’attaques à main armée.
La doctoresse Carla Ismaël est mariée à un médecin français venu la rejoindre au Brésil. Carla est l’associée d’une clinique spécialisée dans le traitement du cancer, à Petropolis, à 50 km de Rio, où habite également sa famille. L’ex-ville impériale est devenue une tâche urbaine sans fin, s’étendant dans une vallée, au milieu d’un paysage d’une grande beauté. Je me souviens qu’en janvier 2009, après avoir rendu visite à Carla à Petropolis, je me suis fait raccompagner par elle jusqu’à Rio. La doctoresse conduisait assez vite, et jamais trop à gauche de la route pour être en mesure de fuir plus aisément, en cas de mauvaise surprise. Elle m’a raconté que si Petropolis a grandi si vite, ces dernières années, c’est parce que de nombreux habitants de Rio s’y sont installés afin d’échapper à la violence urbaine.


Otages des narcotrafiquants

Peut-être le manque de passivité, le laxisme (en général) des autorités brésiliennes face à la violence s’expliquent-ils, partiellement, par ceci : les élites n’ont en principe rien à craindre puisque les fortunes accumulées par elles, dans un pays où il est facile de s’enrichir par les moyens les plus divers, leur permettront toujours de prendre la fuite en cas de désastre. Il suffit de monter dans un avion, de se retrouver à l’autre bout du monde, dans un endroit paisible, en toute sécurité.
Jair, bien que né dans une famille pauvre, a mis suffisamment d’argent de côté, lui aussi, pour prendre la clef des champs. Mais des millions de gens vivent sous l’emprise des narcotrafiquants, otages de leurs sombres machinations dans les favelas, sans le moindre espoir de refaire leur vie ailleurs quand pleuvent les balles et coule le sang. L’enfer, c’est quand on n’a pas la liberté d’échapper à la putréfaction d’une société et qu’on paye le prix, au centuple, de tant de dérives et lâchetés commises par la volonté de ceux qui se sucrent en haut lieu et en toute impunité.

samedi 12 septembre 2009

PARALLELES, deux expos de dessins franco-brésiliens

(communiqué par ailleurs diffusés par le canal de la newsletter Le Flâneur-Franc-Parler)

C’est un événement dans le cadre de l’Année de la France au Brésil. Il fait partie de l’abondante « programmation parallèle » de cette Année. Un tel projet a été financé par l’entreprise Tok&Stok, avec l’appui notamment de Canson de l’Hôtel Le Relais des Halles et des Hôtels de Charme à Paris, et un pôle de parents et amis constitué autour de Yann Le Houelleur.
Celui-ci est à la fois journaliste et dessinateur, de telles activités n’étant pas incompatibles, bien au contraire. Dans les deux cas, l’on observe la vie, l’on affûte sa curiosité, l’on raconte des histoires, l’on campe des situations…

Après deux ans et demi pendant lesquels Yann Le Houelleur a flâné dans les rues de quatre villes, le projet Parallèles se concrétise enfin : deux expositions et le lancement de la ligne de produits « Croquis » commercialisée (à partir de cette date) dans tous les magasins Tok&Stok. En octobre auront lieu le vernissage de deux expositions simultanées, « Parallèles ». L’une, à Rio, dans le magasin Barra de Tok et Stok (vernissage le 22) ; l’autre dans le magasin Pinheiros de cette même enseigne (vernissage le 23). Les deux expos offrent un éventail de dessins réalisés à la fois à Paris et au Brésil. En fait des paires de croquis, dessins et esquisses permettant de mieux percevoir à quel point les Brésiliens se sont inspirés de la France pour concevoir, urbaniser et embellir leurs villes.
Il ne s’agit pas de travaux architecturaux précis au millimètre près, mais bel et bien de dessins, résultant d’une certaine interprétation, faisant part à la poésie, réalisés tous depuis la terrasse de cafés ou à même le trottoir. Ces dessins n’ont pas été retouchés par la suite, ce qui leur confère fraîcheur et spontanéité.

A São Paulo, l’on pourra voir des paires de dessins « Paris-São Paulo » ainsi que - en principe – des paires « Paris Curitiba ». A Barra da Tijuca, des paires « Paris-Rio » et « Paris São Luiz ».Précision quant aux produits de la collection Croquis bientôt disponibles dans les magasins de Tok&Stok : ce seront des « canecas » (tasses), des coussins, des dessous de table, des images dans de jolis cadres ainsi que, plus tard, un jeu d’assiettes.Peut-être un jour « un second round » de ces expos aura-t-il lieu - pourquoi pas ? – à Paris…

VOICI QUELQUES EXTRAITS DU TEXTE OFFICIEL DESTINE, SUR LES LIEUX MEMES DE L’EXPOSITION, A MIEUX COMPRENDRE L’ESSENCE DU PROJET :

« Si on se rend à São Paulo ou Rio, et même ailleurs, on ne tarde pas à retrouver, dans ces villes à l’autre bout du monde, plusieurs fragments architecturaux, réminiscences et atmosphères de Paris, bien réels ou parfois en trompe l’œil. Et on peut imaginer, un instant, n’avoir pas quitté la Ville Lumière. »

“ Ce serait sombrer dans l’arrogance, pour un Français, que de dire : « São Paulo, Rio de Janeiro et tant d’autres cités ont voulu imiter Paris ». Mais il est indéniable que ces villes, à un moment de leur histoire, en particulier à l’époque des barons du café, se sont inspirées de la capitale française pour offrir à leurs habitants un surcroît de splendeur et de qualité de vie.”

“Architectes, ingénieurs, urbanistes, sculpteurs et artistes : au Brésil, ils ont mêlé les caractéristiques de l’architecture française à d’autres influences (le Portugal, l’Italie, les Pays-Bas, l’Angleterre, etc.). Cela donne lieu à des liens de parenté baignant dans une certaine ambigüité, voire ironie. On reconnaît la France en maints endroits, mais elle souvent davantage suggérée que restituée.”

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“PARALLELES », Flâneries de Yann Le Houelleur dans Paris et plusieurs villes brésiliennes
REALISATION : TOK&STOKCanson do Brasil - Hôtel Le Relais des Halles
et le Groupe des Hôtels de Charme, à Paris

REMERCIEMENTS à tous ceux qui m’ont aidé et/ou encouragé lors de la préparation de ce projet de dessins franco-brésiliens : Mme Ghislaine Thiery et l’équipe du Relais des Halles, Me Patrice Le Houelleur et Sarah Maria, Dr. Jacques Le Houelleur et Noëlle, Mme Christine Sevestre et Dr Pierre Sevestre, Hubert Sevestre et sa Famille, son Excellence l’ambassadeur José Mauricio Bustani, l’ex-gouvernement du Maranhão, Mme Leila Hamelin et Itinéraire Formation (association sous l’égide du Conseil général des Hauts de Seine), Mme Vinh Faroux (consulat de France, à São Paulo, M. Frédéric Verduzier, M. Benjamin Rassat, M. Stéphane Lenoble (décédé en août 2007), M. Paulo di Mello, Sra. Marcia das Chagas Reis, M. Christian Affagard, Pierre Marie et Gilles (Perpignan), M. Marc Gallichan, M. François Betreau (décédé en janvier 2009), Digital Laser, etc, et toutes les personnes rencontrées à la terrasse des cafés et dans les rues qui sont venues me parler.




lundi 3 août 2009

Entrelacs de rues, à la tombée de la nuit


(début août) - Voilà une époustouflante perspective, comme on peut en apercevoir beaucoup dans cette ville de São Paulo moutonnée de collines. Pour l’instant, je vis dans le quartier de la Mooca à proximité d’un tel croisement entre plusieurs rues, fragment de paysage urbain qui me rappelle, toutes proportions gardées, la Place Blanche au pied de Montmartre. J’aurais pu ajouter toutes sortes de détails, mais qui n’auraient fait que polluer ce dessin réduit à la plus simple expression : les trolleybus (dont on repère les fils électriques), les passants, etc. La nuit est tombée plus vite que prévu, quand je faisais ce dessin réfugié dans un café alors que sévissait un froid vif : j’ai dû terminer à la va-vite, raison pour laquelle toute la partie à droite de la feuille a été un peu bâclée.
Bientôt, sur ce blog, un texte sur la Mocca et le tsunami de tours qui déferlent sur ce quartier jadis industriel.
Y. Le H.

mercredi 29 juillet 2009

Gothique en trompe l'oeil...


Vous pensez qu'il s'agit d'une cathédrale en France ou dans un autre pays européeen... je vous ai bien eu : c'est la cathédrale da Sé à São Paulo, imitation presque parfaite de l'art moyennâgeux. Sauf que les Brésiliens n'ont aménagé qu'un portail, au bas de la façade principale, contrairement aux grandes églises gothiques européennes qui en comprennent trois et même parfois cinq.Juste une parenthèse pour signaler que la Catedral (sans "e" final en portugais) da Sé fait partie du cercle des cinq plus importantes cathédrales gothiques au monde par leurs dimensions... mais il faut préciser que son inauguration a eu lieu une dizaine d'années après la seconde guerre mondiale. Une prouesse, donc : du gothique en trompe l'oeil, mais si beau tout de même.Comme les Brésiliens aiment bien compliquer les choses, en principe, ils sont pris soin de coiffer la Catedral da Sé d'un dôme vert de style Renaissance rappelant, cette fois-ci, les cathédrales italiennes. On aimera, ou on n'aimera pas. L'éclectisme est au rendez-vous, à São Paulo.Hélas, le parvis de la cathédrale de São Paulo est le témoin de la misère qui règne, un peu partout, au Brésil: des hordes de mendiants, de SDF, au pied de l'immense église auxquels les tours jumelles semblent accorder leur protection.
Y. Le H.

Saint Lazare, Julio Prestes, en voiture pour la Nostalgie !


(Photo provisoire: le dessin de la Gare de Júlio Prestes vue de l'intérieur sera bientôt scannée et mise en ligne, substituant celle-ci)


(juillet 2009) - C’est une lune percée de nombreux cratères, posée au milieu d’une énorme verrière constituée de carrés grisâtres sur fond de nuit s’écrasant peu à peu sur la ville alentour. L’on tourne le dos et l’on se laisse entraîner par la perspective impressionnante de cette coque renversée, posée sur quantité de piliers en métal : une gare. Mais une gare où ne viennent échouer que peu de trains, un toutes les 20 minutes, en provenance d’une inextricable et banlieue sans grand intérêt. La gare s’appelle Júlio Prestes, en plein cœur de São Paulo, construite il y a 80 ans, juste à côté de la Gare de la Luz, bien plus fréquentée, elle, dont les faisceaux de voie passent juste à côté, de sorte que regardant la lune - en fait, une horloge ! (dont les cratères ne sont autres que douze chiffres) - l’on aperçoit des rames de six wagons aller et venir, dont les phares tantôt jaunes, tantôt rouges perforent l’obscurité qui s’instaure.


De telles scènes ferroviaires, que j’apprécie au plus haut point, m’ont enchanté, un soir d’hiver à São Paulo, alors que je revenais, en train, d’Alphaville. J’ai revécu des émotions bien parisiennes. Quand je flânais à la frontière des 8ème et 17 arrondissements, dont les stations de métro portent des noms évocateurs tels Liège et Rome, je m’arrangeais toujours pour aller traîner sur les ponts enjambant les voies jaillissant de la gare Saint Lazare. Et je me régalais de ces trains de banlieue qui n’arrêtent pas de se croiser, dans un concert de grincements d’essieux tandis que les haut-parleurs de la gare toute proche égrènent des informations et des noms de villes.Entre Saint Lazare et Júlio Prestes : quelque dix-mille kilomètres. Mais une étonnante proximité, car j’ai retrouvé, à São Paulo, la même atmosphère, la même émotion face à ces trains qui se fondent dans la nuit, emportant à bord des centaines de destinées incertaines. Certes, à Paris, les rames de la RATP et de la SNCF sont bien plus modernes et confortables, et elles comportent deux niveaux (deux étages), tandis qu’à São Paulo, celles de la CPTM, une sorte de RATP locale, sont plutôt obsolètes, d’un aspect plus lourd et d’un autre âge puisque les passagers doivent se presser sur un seul niveau. Mais au fond, ce sont les mêmes vibrations ferroviaires, les mêmes fragments de paysages, les mêmes grincements d’essieux et les mêmes claquements de portes s’ouvrant puis se refermant. Un moment, même, j’ai eu l’impression d’avoir fait un retour précipité à Paris, par le chemin de fer.


Je n’ai pu m’empêcher de retourner, quelques jours plus tard, à la gare Júlio Prestes, pour y faire un dessin de cette immense verrière, avec l’horloge tout au milieu, qui m’a d’abord fait penser à une lune mais qui soudain m’a donné l’impression d’une araignée dont les aiguilles auraient tissé tout autour les quadrilatères de fer enserrant des centaines de carreaux vitrés. "Saudade", une fois de plus, de «ma» gare Saint-Lazare où, un an et demi plus tôt, j’avais fait un dessin assez semblable, par un froid tout aussi tranchant, assis sur un quai (alors qu’à Júlio Prestes je suis allé m’assoir, confortablement, sur une passerelle surplombant les voies à l’intérieur même de la gare). Sortant de la gare Júlio Prestes, j’ai admiré, comme souvent, sa façade striée de colonnes cannelées, dont l’envergure rappelle vraiment la gare Saint Lazare et tout autant celle de la gare de Lyon puisqu’elle brandit, fort haut dans le ciel, un beffroi lui aussi pourvu d’horloges.

Splendide architecture ferroviaire, à la fois majestueuse et élégante. De ce point de vue-là, Paris et São Paulo ont bien des points communs.


Y. Le H.

De Paris au Brésil, au fil d'innombrables dessins...

Praça da República, à São Paulo, un samedi


CHERS INTERNAUTES,
CHERS AMIS,

ATTENTION: Ce texte n'est plus très actuel, car je suis amené à retourner en France (fin novembre 2009), où je vais essayer de me réinsérer dans le tissu professionnel, que ce soit le journalisme, l'hôtellerie, le dessin, ou tout à la fois!



J’avais fini par trouver un emploi sympa dans l'hôtellerie, à Paris, après avoir bénéficié du RMI (devenu le RSA) pendant plusieurs mois. Pendant plusieurs années, j’avais vécu au Brésil, où j’avais dirigé et élaboré un mensuel franco-brésilien, que les autorités françaises, qui soutenaient cette initiative unique, ont laissé tomber. L’horreur d’une vie réduite à néant, ou presque, où tout s’effondre, ce d’autant plus que je suis tombé « sacrément » malade. Mais je n’en dirai pas davantage, car dans notre civilisation de l'image fondée sur le voyeurisme et le manque de pudeur, l’on a droit à ses jardins secrets. L’homme vaut par la lumière qu’il fait rejaillir autour de lui et par l’ombre qu’il sait préserver en lui.

Dans la capitale française, en 2008 et 2009, j’ai retrouvé une passion, vieille de plusieurs dizaines d’années : dessiner. Je me suis mis à remplir les jours de désœuvrement en interprétant cette si belle ville sous toutes les coutures, dessinant dans les cafés et aussi assis à même les trottoirs. Je ne dessine jamais d’après photo : tout sur place ! Un chef d’entreprise au Brésil m’a proposé de prendre part à un projet de dessins, que par égard pour lui je ne saurais dévoiler présentement. Alors, un beau matin d’automne, en 2008, j’ai fait mes valises, une fois de plus, et je suis reparti au Brésil, avec des centaines de dessins dans les soutes de l’avion aux couleurs de TAM, que j’ai retrouvé intacts à mon arrivée à São Paulo.Et tout en pigeant pour le quotidien La Tribune (une équipe assez jeune, compétente et très sympa, qui tente de rénover l’information économique), j’ai commencé à dessiner dans les rues de São Paulo pour mener à bien mon projet, malgré des difficultés financières sur lesquels je ne m’étendrai pas.

Mon premier dessin dans la plus importante ville brésilienne : un éclairage public jadis à gaz, épié depuis un café d’une rue commerçante au centre de le mégaville où j’ai retrouvé la saveur des « cafezinhos » et « pãos de queijos » brésiliens. Je n’oublierai cette matinée, encore sous le coup du décalage horaire et plein d’angoisses quant à ma nouvelle vie : une serveuse s’est penchée sur mon dessin et m’a dit… « Vous allez emporter ça aux Etats-Unis ? Vous venez ici pour nous prendre nos beautés ? » Elle ne disait pas de telles choses avec des intentions racistes, pas du tout ! La pauvre, elle n’avait sans doute pas eu la chance de visiter d’autres villes, à l’étranger, et n’avait aucune notion de ce qu’est une cité esthétiquement magnifique comme Paris.

Pourtant, à São Paulo, il y a des choses très intéressantes à découvrir, à dessiner. Un journaliste tout comme un dessinateur peuvent modeler leur inspiration au fil des plus diverses et invraisemblables escales. Un jour, je retournerai à Paris, mais pour l’instant je m’amuse en dessinant des choses qui parfois n’ont aucun intérêt, mais qui jointes les unes aux autres révèlent sans doute l’essence d’une ville. Une ville, c’est plein de contrastes, de fragments de beauté et de laideurs, d’ombres et de lumières. Le centre de São Paulo m’intrigue, si petit du point de vue géographique et plein de constructions influencées par l’architecture française, portugaise, italienne, flamande, côtoyant des gratte-ciel à l’américaine, une sorte de Manhattan un peu vieillot mélangé à un Paris reconstitué sous forme de miettes éparses. Mais il y a aussi des coins très chouettes plus loin (la périphérie) où la richesse des grandes entreprises a fait surgir d’élégants quartiers d’affaires : tours majestueuses dont les flancs vitrés étincèlent sous le soleil, comme autant de pépites. Ici, les rues sont propres, et surtout pas de SDF dans les squares comme c’est hélas le cas au cœur de São Paulo. D’ailleurs, j’ai fini par en connaître passablement, des sans-toit et des mendiants ! Souvent, ils m’ont déconcentré par leurs commentaires (il faut une de ces patiences, pour dessiner dans la rue !) mais aussi encouragé. Ils ont contribué à me rendre conscience de la fragilité de nos destinées. Aujourd’hui, je dessine, j’écris… Et demain ?

Pour l’instant, je vous propose quelques flâneries à Paris, São Paulo, mais aussi São Luiz (à mettre en ligne plus tard) et Rio de Janeiro. Car je prends parfois le large, quand j’ai des sous ou quand l’on participe au financement de tels déplacements.

Et puis, si ça vous intéresse, je vends certains de mes dessins, pour ceux qui aiment cette forme d’expression. Les tarifs sont à convenir, cas par cas.
Alors, bon voyage, heureuses flâneries franco-brésiliennes.


Yann Le Houelleur, à São Paulo, pour l'instant
lehouelleuryann@voila.fr


Mes remerciements aux personnes et entités sans lesquelles ce projet et de tels dessins n’auraient pas été possibles : Patrice Le Houelleur, Jacques et Noëlle Le Houelleur ; Frédéric Verduzier, Stéphane Lenoble (mort en août 2007) ; Itinéraire et Carrière (Association financée par le Conseil général des Hauts de Seine) ; Consulat du Brésil à Paris, Mme Ghislaine Thiery et Hôtel Le Relais des Halles ; M. Régis Dubrule ; Canson Brasil ; Paulo di Mello ; Marc Gallichan ; Daizy Kurtz; Pierre-Marie et Gilles; Gérard Adolphe; Mme Vinh Farroux, etc. Et pardon si j’ai oublié quelques noms.